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Marisa Merz: écouter l’espace

Epouse du célèbre artiste Mario Merz, Marisa Merz fut la seule femme membre de l’Arte Povera. Son œuvre fut récompensée à plusieurs reprises et jouit d’une reconnaissance internationale. Le LaM, à Villeneuve d’Ascq, présente sa première rétrospective en France depuis 30 ans.

TEXTE: Christine Vuegen

Marisa Merz eut un atelier dans l’appartement turinois où elle vivait aux côtés de son célèbre époux, y modelant de petites têtes, peignant des visages et tricotant des chaussures et autres œuvres d’art, en fils de nylon et de cuivre, sur la table de la cuisine. L’une de ses premières œuvres, BEA, date de 1968. Il s’agit d’une sculpture tricotée dans laquelle les aiguilles sont encore plantées. Si ses nombreuses têtes et autres visages peints constituent la partie la plus connue de l’œuvre protéiforme de Marisa Merz (1926-2019), BEA revêt une certaine importante, en ce qu’elle témoigne magnifiquement d’une pratique artistique pionnière, expérimentale, issue de sa vie d’épouse et de mère. Imaginons-la assise dans sa cuisine, tricotant des chaussettes avec du fil de nylon et trois aiguilles. Probablement en compagnie de sa fille Beatrice, âgée de huit ans et surnommée Bea. Les trois lettres de son prénom sont réalisées au tricot, dans des couleurs qui fusionnent, entre bleuâtre, marron et vert d’eau. Le tout un peu irrégulier, les aiguilles encore plantées dans le tricot, portant même encore des points. Si on les retire, l’œuvre se détricote. Il est presque incroyable que cette pièce tendre, ludique, intime, fragile et vulnérable, ait survécu à son exposition sur la plage de Fregene, en 1970. Les œuvres tricotées qui y étaient présentées étaient submergées d’eau et menaçaient de disparaître dans la mer. Il s’agissait du prolongement d’une importante exposition personnelle, en la galerie L’Attica de Rome, associée à une action : à bord d’un avion, l’artiste transmettait les altitudes de vol, notées au sol et traduites en œuvre d’art.

UN ART ORGANIQUE

Marisa Merz rejetait l’idée d’un art pour l’éternité. Elle a mis l’accent sur la temporalité et défié l’impermanence. BEA est une icône de la fragilité, même si la pointe des aiguilles à tricoter peut être une arme redoutable, comme cela fut souvent souligné.