Présentée actuellement au FOAM d’Amsterdam sous l’intitulé An Unfinished World, l’œuvre de Saul Leiter n’a rien d’inachevé. Les quelques deux cents photographies exposées témoignent d’un regard sur le monde en phase avec son époque et pourtant singulier, voire, par l’emploi précoce de la couleur, franchement avant-gardiste.
Saul Leiter (1923-2013) est un peu comme un ami de longue date qui, tout au long des promenades, vous pointe des menus événements, à première vue anodins, des petits riens qui, au bout du compte, se révèlent à la fois jouissifs et pleins d’enseignements. « Il se trouve que je crois à la beauté des choses simples. Je crois que la chose la plus inintéressante peut être très intéressante », disait ce natif de Pittsburg, fils de rabbin, venu à New York en 1946 pour se consacrer à la peinture, mais qui devint photographe après avoir vu une exposition d’Henri Cartier-Bresson au Museum of Modern Art, en 1947. Egalement, doit-on préciser, peu après qu’il se fut lié d’amitié avec le peintre expressionniste abstrait Richard Pousette-Dart, qui expérimentait lui-même la photographie. Dès ses premières images en noir et blanc, prises au Leica, sa vision des choses s’est affirmée comme intimiste, y compris dans ses snapshots pris en rue. C’est d’ailleurs ce qu’avait très bien mis en évidence le remarquable double album Early Black and White, publié en 2015 par Steidl et la Galerie Howard Greenberg de New York. Que ce soit dans le premier volume, consacré aux intérieurs, ou dans le second, consacré à la rue, la plupart des images semblent manifestement prises à la sauvette, comme si leur auteur épiait ce qui l’entourait en se dissimulant.