Daidō Moriyama

Une subjectivité revendiquée

A Lausanne, Photo Elysée accueille une superbe rétrospective de l’œuvre de Daido Moriyama, accrochage conçu par l’Instituto Moreira Salles de São Paulo que The Guardian a qualifié de meilleure exposition de photographie à Londres en 2023, lors de sa présentation à la Photographer’s Gallery. Elle a le mérite d’être ample sans que l’on s’y perde et de retranscrire avec clarté la prolixité et le caractère touffu de ce qui aura été de la part de l’artiste, une recherche sans cesse recommencée.

TEXTE : Jean-Marc Bodson

Lorsque Daido Moriyama (1938) commence à faire connaître ses images, au début des années 1960, le Japon  s’occidentalise à marche forcée. À l’époque, comme c’est le cas en Europe ou aux Etats-Unis, les photographies que publient les médias relèvent de ce qu’on a appelé la ‘‘vision humaniste’’, c’est-à-dire d’un regard bienveillant et soi-disant objectif délivré dans des images propres, nettes et bien cadrées. Dans ce conformisme visuel de la Pax Americana, le travail iconoclaste du New-Yorkais William Klein (1928-2022) sur la modernité urbaine sera une véritable révélation pour nombre de photographes de la même génération. Ses images floues, grenées et de guingois traduisaient de façon quasi mimétique la vibration, l’effervescence, mais aussi la violence de métropoles telles que New-York, Rome, Moscou ou Tokyo. Au Japon, elles inspirèrent pas mal d’artistes contestataires, notamment les fondateurs du mythique magazine Provoke auquel Daido Moriyama a contribué avec brio comme il le fit très souvent par la suite. Cette rétrospective accorde ainsi une grande place à ses très nombreuses publications revues ou livres – et elle en fait même, à juste titre, un fil rouge en les exposant dans des vitrines au centre des salles ou en les présentant sur table, pour consultation. À l’instar de son compatriote Nobuyoshi Araki – par ailleurs un de ses proches – Daido Moriyama a toujours placé la publication de son travail au centre de ses préoccupations tant artistiques que politiques. Comme le note, dans sa présentation, le commissaire Thyago Nogueira : « Il a rejeté le caractère dogmatique de l’art et la fétichisation des tirages vintage, se tournant plutôt vers une photographie radicalement accessible et reproductible ».