davidsz de heem

Jan Davidsz. de Heem: une somptueuse nature morte

On pensera peut-être d’emblée à de l’excès, voire à la gêne qui lui est associée et que l’historien anglais Simon Schama prit comme point de départ pour son ouvrage paru en français sous le titre L’Embarras de richesses (1991). Quel cadre pour ce tableau, véritable archétype de la nature morte néerlandaise du XVIIe siècle !

TEXTE: Ewoud Mijnlieff

Jan Davidsz de Heem (1606-1684) a vécu et travaillé dans plusieurs villes, où il séjourna longuement. Il fut l’un des nombreux artistes à ne pas avoir établi de liens avec son environnement local. Né la même année que Rembrandt, il a également travaillé quelques années dans la ville natale de ce dernier. Il est venu au monde à Utrecht, où il fut probablement apprenti chez le célèbre peintre de natures mortes florales Balthasar van der Ast. Lorsqu’il déménage à Leyde, en 1626, il y fait la connaissance d’Aletta van Weede qu’il épouse. À Leyde, il se consacre aux natures mortes monochromes, sobres variations en une ou deux teintes, représentant des livres et des instruments de musique, apparentées à maints égards aux œuvres de peintres locaux comme David Bailly (1584-1657) et Harmen Steenwijck (1612-après 1656). Environ dix ans plus tard, De Heem vint s’installer à Anvers où il devint membre de la guilde de Saint-Luc, une appartenance obligatoire pour pouvoir exercer son métier. La raison de ce déménagement demeure floue. Un an après le décès de son épouse, il se remarie avec Anna Ruckers, héritière d’une célèbre famille de facteurs d’instruments de musique. Sous l’influence de traditions locales, comme les natures mortes de Daniël Seghers ou de Frans Snyders, sa thématique se fait plus baroque et son style plus élégant. Si l’artiste a vécu essentiellement à Anvers, il se rendait régulièrement en sa ville natale d’Utrecht, par exemple entre 1667 et 1672. Après l’invasion des Français, en 1672, il s’enfuit à nouveau à Anvers où il devait vivre et continuer à travailler jusqu’à sa mort. Bien que protestant, il sut parfaitement s’intégrer dans la communauté catholique d’Anvers, ce qui ne l’empêcha pas de continuer à travailler pour des clients orangistes protestants.

NATURES MORTES MONUMENTALES

La somptueuse nature morte illustrée ici, où l’influence anversoise est nettement perceptible, possède un important pedigree, qui remonte probablement à la collection de Clemens Augustus van Beieren (1700-1761), archevêque de Cologne. Le catalogue d’enchères de cette collection, à Bonn, le 22 mai 1764, fait ainsi état ‘‘d’un grand tableau à fruits de quatre pieds six pouces de hauteur et trois pieds neuf pouces de largeur, peint par Jean de Heem’’.