Jane Graverol

Surréalisme Un distinguo franco-belge

Comme on le lira par ailleurs, cette année célèbre le centième anniversaire de la naissance du surréalisme, mouvement international s’il en est qui s’épanouit de manière concomitante en France et en Belgique, de même que, dans une moindre mesure, dans le reste de l’Europe, en Tchécoslovaquie, Angleterre, Roumanie, Espagne et aux Pays-Bas. Deux exposition majeures, à Bruxelles, en rendent compte. Mais quelles furent exactement ses particularismes locaux, entre France et Belgique ?

TEKST: Christophe Dosogne

Le néologisme ’’surréalisme’’ apparaît déjà pour la première fois en 1917 sous la plume de Guillaume Appolinaire en sous-titre à sa pièce Les Mamelles de Tirésias, qu’il juge ’’surréaliste’’ plutôt que ’’surnaturaliste’’. Le concept est repris, la même année, dans la plaquette de présentation du ballet Parade de Jean Cocteau, mis en scène par Serge Diaghilev, sur une musique d’Erik Satie, un décor de Pablo Picasso et une chorégraphie de Léonide Massine. Reprenant l’idée à son compte, en 1924, André Breton publie, à Paris, le Manifeste du Surréalisme, initiateur d’un mouvement, tant artistique que philosophique, qui marquera durablement le XXe siècle. La même année, le poète Paul Nougé fondait à Bruxelles un centre surréaliste, éditant la revue Correspondance, avec entres autres les poètes Camille Goemans et Marcel Lecomte. Un autre groupe important, Rupture, se créera ensuite en 1932, à La Louvière, autour de la personnalité d’Achille Chavée. Poétique et artistique, comprenant l’ensemble des procédés d’expression et de création, le surréalisme va se caractériser, tant dans ses volets français que belge, par une mise en exergue des forces psychiques libérées du contrôle de la raison et en lutte contre les valeurs reçues de la société du début du XXe siècle. Ou, comme l’écrit André Breton dans son Manifeste, une «dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale (…) ». Caractérisé par sa transdisciplinarité et l’importante collaboration entre ses membres, le mouvement surréaliste français va dès lors reposer sur la conviction qu’il existe une réalité supérieure liée à la toute-puissance du rêve ou au jeu désintéressé de la pensée. D’abord essentiellement littéraire, il se plaît ainsi aux rapprochements inattendus de façon à faire jaillir un sens nouveau, en une libération de l’inconscient favorisée par la pratique de l’écriture automatique. Louis Aragon, Robert Desnos, Paul Eluard, René Magritte, Giorgio De Chirico, Philippe Soupault, Salvador Dalí ou Jacques Prévert sont quelques-uns des écrivains, poètes, peintres ou artistes qui accompagneront cette révolution esthétique et sociale. En revanche, le surréalisme belge, porté par E. L. T. Mesens, Paul Colinet, Louis Scutenaire, André Souris ou Marcel Mariën, va rapidement prendre ses distances à l’égard de l’écriture automatique et de l’engagement politique du groupe parisien. En outre, le groupe bruxellois a, précise le spécialiste du mouvement.

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