Jef Geys, un des tous grands

On ne voit pas ce qu’on croit voir, tel est l’ambitieux aperçu du travail de l’artiste belge Jef Geys que propose le WIELS. Comme nul autre, l’artiste posait des questions sur la société et le monde de l’art, avec un sens de l’humour vif et acéré. Venu de sa ville natale de Balen, dans la Campine anversoise, il devint célèbre dans le monde entier.

TEKST: Christine Vuegen

Les amateurs de l’œuvre de Jef Geys (1934-2018) savent que sa pratique artistique était en fait une pratique de vie, assortie d’une foule de questions lui permettant de gagner en compréhension. Son œuvre, très hétéroclite, fut rapidement perçue comme peu attrayante visuellement, même si ce fut loin d’être toujours le cas. Et même quand elle s’avère ardue, elle prête à sourire. L’artiste s’est volontairement tenu à l’écart de la scène artistique, tout en fournissant autant d’informations que possible. Dans le cadre de ses expositions, il laissait une édition gratuite de son Bulletin d’information Kempens, en réponse aux coûteux catalogues. Considéré aujourd’hui comme l’un des artistes belges les plus influents. Est-ce toujours le cas ? Dirk Snauwaert, directeur et conservateur du WIELS : « Pour moi, Jef Geys aura sans doute plus d’influence que Panamarenko, voire Marcel Broodthaers. Certains n’en sont pas convaincus, ce qui tient au fait qu’il a presque tout fait pour se défaire des clichés sur l’art. Les termes comme ‘‘œuvre’’, ‘‘artiste’’ et ‘‘œuvre d’art’’ ne peuvent lui être appliqués. Il s’agit d’une sorte de pionnier, un peu comme Dieter Roth et d’autres artistes qui, dans la véritable tradition de l’avant-garde, remettent en question ce qu’est l’œuvre d’art. Non seulement son aspect commercial, mais aussi les points auxquels on accorde une valeur esthétique. Dès la fin des années 1950, soit cinq ans avant Broodthaers, il commençait par le dessin à user de termes comme ‘‘stéréotype’’, ‘‘formule’’, ‘‘style’’ et ‘‘genre’’ en en faisant des pastiches. Avec Panamarenko et Broodthaers, c’est un pionnier du Pop art en Belgique. On peut aussi voir en lui l’un des inventeurs de la photographie conceptuelle, outre le couple Becher, par exemple. Jusqu’en 1998, il a ainsi documenté l’ensemble de sa pratique dans un livre de photos en noir et blanc, un anti-livre de photos. Les projets avec les élèves de l’école secondaire publique de Balen, où il a enseigné les arts plastiques de 1963 à 1989, font également partie de sa pratique. Ces gigantesques archives contiennent à peu près tout ce qu’il a réalisé en tant qu’artiste, professeur, habitant de Balen et personne engagée ».