Collectionner le design

Le marché du design de collection semble parfois s’articuler autour de deux tendances majeures : d’une part, des pièces colorées dans des matériaux expérimentaux, d’autre part, des pièces épurées dans des matériaux naturels. À l’approche des prochaines éditions de Collectible et TEFAF, COLLECT vous en dit plus.

TEXTE: Elien Haentjens

Alors que la plupart des salons proposent un mélange de design vintage et de design contemporain de collection, Collectible a choisi, il y a sept ans, de se concentrer exclusivement sur le design du XXIe siècle. Liv Vaisberg, co-directrice du salon : « Au début, les collectionneurs se sont montrés très sceptiques à l’égard du design de collection. La terminologie était moins claire et n’était pas bien comprise. Un changement s’est opéré lorsqu’ils ont découvert le narratif derrière l’objet. C’est ainsi que je me suis, un jour, retrouvée avec un grand collectionneur d’art devant la vitrine à l’entrée de la foire. Lorsqu’il a découvert l’exposition d’objets faits dans des matériaux recyclés, il fut subjugué. Car, aux yeux d’un collectionneur d’art, le récit compte davantage que l’esthétique. Pour lui, l’expression narrative design ou functional art traduit encore mieux la charge émotionnelle. Et ce, contrairement aux architectes qui peuvent se laisser séduire massivement par des détails techniques ou la beauté des matériaux. » Maria Wettergren, fondatrice de la galerie parisienne éponyme et membre du comité de sélection du design à la TEFAF, explique : « Le marché du design et celui de l’art sont étroitement liés, car des designers et artistes pertinents expriment des idées similaires en un laps de temps déterminé. Je parlerais donc davantage de courants que de tendances. Les pièces qui captent l’esprit du temps sont, en particulier, extrêmement fascinantes. À cet égard, il est intéressant de se demander quels créateurs contemporains seront considérés à l’avenir comme des pionniers ou des avant-gardistes. » Ainsi que l’histoire de l’avant-garde l’a souvent montré, les pièces expérimentales jugées, à leur époque, comme radicalement et scandaleusement novatrices conservent une fraîcheur qui fait d’elles des classiques intemporels : « C’est la raison pour laquelle je choisis toujours des pièces plus artistique dans le design contemporain, et non des pièces contemporaines qui se veulent intemporelles ou des pièces plus décoratives. La recherche et l’expérience sont essentielles, qu’il s’agisse de matériau, technique, méthode ou fonction se traduisant par une forme poétique. »

Pièces uniques ou en édition très limitée

En dehors des collectionneurs d’art et architectes, il y a aussi les collectionneurs de design traditionnels, souvent issus du cadre de référence du design vintage et qui attachent une grande importance au choix du matériau, à la finition technique et à la patine. Robbe Vandewyngaerde d’Objects With Narratives précise : « Ils choisissent plutôt des pièces qui pouvaient être belles il y a un siècle et le seront encore dans un siècle. Elles sont en général réalisées dans des matériaux plus traditionnels, comme le bois et le bronze, qui ont pris une nouvelle expression. A ce titre, les expériences sur la texture et la forme en bronze de Vladimir Slavov conviennent parfaitement, ou les tables de Mircea Anghel associant bois et pierre. » Les luminaires en résine de Sabine Marcelis, le mobilier de Laurids Gallée, qui joue avec la limite entre tradition et expérience, ou les objets de Chris Kabel ont déjà fait leurs preuves, se vendant pour plusieurs dizaines de milliers d’euros. A ce propos, Clélie Debehault, co-directrice de Collectible, souligne : « Le prix pose parfois problème. Si certains collectionneurs d’art déboursent sans rechigner 100.000 euros pour une œuvre, ils doutent parfois de la pertinence de payer 4.000 euros pour un canapé. Il est donc crucial de choisir des pièces uniques, ou en série limitée. Robbe Vandewyngaerde : « D’un autre côté, il est parfois plus facile de vendre une table à 40.000 euros qu’un objet à 10.000 euros. Ce dernier sera souvent acquis par des personnes qui ont économisé longtemps et s’interrogent donc plus longtemps sur le bien-fondé de leur achat. Ils hésiteront plus longtemps pour une pièce plus expérimentale et colorée. »