yinka shonibare

Yinka Shonibare: percutant et attachant

La Serpentine Gallery de Londres présente une exposition personnelle de l’artiste anglo-nigérian Yinka Shonibare CBE RA. Son art hyper-attractif, coloré et ludique, aborde des thématiques comme la colonisation, la décolonisation et la migration. L’artiste s’est fait connaître à la fin des années 1990, par ses installations spectaculaires, réunissant des personnages historiques habillés de vêtements d’époque, mais aux motifs typiquement africains.

TEXTE: Christine Vuegen

Yinka Shonibare CBE RA (1962) fait un usage magistral de l’impression à la cire africaine, ou wax : des tissus, de fabrication néerlandaise, imitant la technique indonésienne du batik, exportés en Afrique de l’Ouest à l’époque coloniale. Sa série de sculptures Decolonised Structures a tout spécialement été créée pour l’édition 2023 de la Biennale de Sharjah. L’artiste a reproduit sept statues visibles dans les espaces publics londoniens, notamment celle de la reine Victoria, dont le règne a largement contribué à l’expansion de l’Empire britannique. Un motif de wax a été peint à la main sur les répliques de ces statues. Celle d’Herbert Kitchener, par exemple, est recouverte d’un motif floral sur fond vert turquoise, couleur assez douce. Herbert Kitchener fut pourtant un maréchal britannique très cruel envers les populations colonisées. Cette série semble relever d’une forme d’activisme, à l’instar des récentes manifestations visant à souiller certaines statues ‘‘controversées’’. Mais, l’approche de Yinka Shonibare est beaucoup plus sophistiquée : elle relève en quelque sorte d’une protestation joyeuse, avec une pointe de flower power. Les personnalités historiques disparaissent derrière ces motifs multicolores. Mais, lorsqu’on sait qui ils sont, on voit qu’ils hurlent plus fort encore que par le passé. L’esthétique comme arme, voilà qui n’est pas étranger à son art, la séduction et les références à l’histoire (de l’art) constituant de magnifiques stratégies pour aborder les questions contemporaines.

PLAISIR COUPABLE

Yinka Shonibare ajoute délibérément des titres honorifiques à son nom : CBE (Commander of the Most Excellent Order of the British Empire) et RA (Royal Academician), parce que les personnes noires sont majoritaires dans le monde et ont le même droit à la réussite. Comme beaucoup d’artistes, il a recours à des assistants, mais il ne peut faire autrement car il se déplace en fauteuil roulant, suite à une myélite transverse contractée à l’âge de 18 ans. Il est ainsi devenu assez rapidement célèbre, lors  de sa participation à la documenta 11 de Kassel en 2002, il fit sensation avec son installation Gallantry and Criminal Conversation, occupant toute une salle et qui relevait pratiquement d’un plaisir coupable pour le spectateur, tant elle était exubérante. Un carrosse était suspendu au plafond, tandis qu’une orgie aristocratique se déroulait parmi des malles posées au sol, entre des personnages sans tête grandeur nature, mannequins à la peau brune dans des costumes historiques, réalisés dans des imprimés wax bariolés. L’artiste aime se référer aux XVIIIe et XIXe siècles, en particulier à l’époque victorienne, lors de laquelle la colonisation atteignit son paroxysme. Il traite de thématiques telles que l’oppression, l’exploitation, le racisme, l’esclavagisme et le colonialisme, lesquels apparaissent d’ailleurs déjà dans son œuvre grâce à l’utilisation du wax.